
À la rencontre de Nathalie Giroux – Rendre les mathématiques accessibles et ludiques!
Épisode 12
Nathalie Giroux travaille en éducation depuis plus de 20 ans. Dès les premières années, elle devient lead en mathématiques. Elle occupe ensuite un poste d’enseignante-accompagnatrice, où elle appuie le personnel enseignant de son école dans la mise en œuvre des stratégies des Guides d’enseignement efficace en mathématiques.
Depuis maintenant 15 ans, elle est conseillère pédagogique à l’élémentaire.
Elle a participé à plusieurs congrès et conférences en mathématiques, comme celles de l’AFEMO (Association francophone pour l’enseignement des mathématiques en Ontario), de l’OAME (Ontario Association for Mathematics Education) et du NSCM (National Council of Supervisors of Mathematics).
Elle s’implique dans la promotion et le soutien de l’enseignement des mathématiques en étant, par exemple, présidente de l’AFEMO depuis les trois dernières années. Elle est aussi consultante pour le CFORP. Elle enseigne la 2e partie de la qualification additionnelle en mathématiques (cycles primaire et moyen).
Nathalie désire transmettre sa passion pour l’enseignement des mathématiques et aider les élèves à atteindre tout leur potentiel.
1re partie du balado
Nathalie Giroux : Il y a les connaissances des mathématiques elles-mêmes, de se sentir à l’aise, mais de comprendre aussi tous les concepts inhérents et sous-jacents en arrière de ce qu’on essaye de développer. Ça, c’est toutes des choses qui sont importantes. Ce n’est pas parce qu’on fait un bac en enseignement qu’on arrive et qu’on est habilité à connaître tout ça. C’est quelque chose qui se développe tout le long de notre carrière.
[musique]
Louis : Bienvenue aux conversations pédagogiques avec des passionnés! Initiée par le Centre franco, cette série de balados nous présente des professionnels qui excellent en éducation. Aujourd’hui, j’ai le plaisir de parler avec Nathalie Giroux, une passionnée des sciences et des mathématiques. Après un parcours éclectique qui l’a amenée à explorer sommairement des études en agronomie et en marketing alimentaire, Nathalie trouve sa voie en complétant un baccalauréat en enseignement préscolaire et primaire.
À la suite de ses études, elle choisit de s’établir dans la péninsule du Niagara, en Ontario, où elle commence sa carrière en tant qu’enseignante de 3ᵉ année. Quelques années plus tard, au moment de la publication des guides efficaces en matière de littératie et de numératie, elle devient lead mathématique dans son école, un rôle qui lui permet de mettre en œuvre des pratiques pédagogiques innovantes. Forte de son expérience, Nathalie devient accompagnatrice pédagogique dans deux écoles avant d’obtenir un poste de conseillère pédagogique en mathématiques dans son conseil scolaire.
Depuis maintenant plus de 15 ans, elle partage son expertise avec passion, soutenant élèves et enseignants. Récemment, Nathalie a ajouté une autre corde à son arc en devenant présidente de l’AFEMO, soit l’Association francophone pour l’enseignement des mathématiques en Ontario. Ainsi, elle continue à jouer un rôle clé dans la promotion de l’excellence en éducation des mathématiques en Ontario. Retrouvons ensemble Nathalie Giroux.
[musique]
Bonjour, Nathalie! Bienvenue au balado des passionnés de pédagogie. Je suis très heureux que tu aies accepté qu’on ait cette conversation aujourd’hui parce que j’ai plein de questions pour toi. Je sais, parce que ça fait un bout de temps qu’on se connaît, que tu es une passionnée de mathématiques. J’aimerais ça que tu me dises le comment es-tu tombée dans la marmite des mathématiques?
Nathalie : Bonjour, Louis! Ça me fait plaisir de jaser avec toi. Je suis tombée dans la marmite des mathématiques, je pense, quand j’étais à l’école élémentaire et secondaire.
Louis : Comme élève?
Nathalie : Comme élève parce que j’aime les défis, j’aime apprendre. J’ai eu un enseignant au secondaire qui voulait nous pousser. Au tableau, tous les cours de mathématiques, il arrivait, puis il disait : « Okay, les élèves — » À ce moment-là, j’ai étudié au Québec, donc j’étais, l’équivalent ici, en Ontario, 10ᵉ-11ᵉ année. Il mettait un problème, puis il dit : « Je vous garantis, vous ne pourrez pas le résoudre. » Moi, je suis têtue.
Louis : Il vous donnait un défi.
Nathalie : Oui, un vrai défi. Je me souviens, je travaillais à ce problème-là. Il le mettait là, je le prenais en note. Au dîner, le soir, puis le lendemain, moi et un de mes amis, on arrivait : « On a réussi! » À y repenser, je me doute qu’il savait qu’on pourrait, mais c’était un défi pour nous. Là, tous les cours de mathématiques– Parce que je me souviens, en 12ᵉ année, j’avais à mon horaire 8 heures de mathématiques par semaine. C’est ça, je pense que je suis très logique. J’aime la logique des mathématiques, mais j’aimais le défi de la résolution de problèmes. J’aimais ce défi-là, donc j’ai poursuivi après en mathématiques. C’est ça, la passion des maths, c’était probablement moi.
Louis : Oui. Si l’on est en présence d’une personne qui n’aime pas nécessairement les défis. Comment fait-on pour que les autres, les gens qui nous entourent – toi, tu es conseillère pédagogique – tombent aussi dans la marmite des mathématiques?
Nathalie : Les mathématiques, c’est un jeu. Si le défi est à ta portée, d’habitude, tout le monde aime ça. Ce qu’on n’aime pas, c’est des défis qui ne sont pas à notre portée. Quand je rentre dans les classes mathématiques, comme je suis allée– Maintenant, je suis conseillère pédagogique, puis je vais appuyer dans les écoles. Je suis rentrée dans une classe où plusieurs élèves n’aiment pas les maths. Là, j’ai dit aux– : « Les élèves, aujourd’hui, on va avoir du plaisir, on va faire des maths. » Ils m’ont regardée, ça ne marche pas ensemble ces deux mots-là. J’ai dit : « Oui, on va avoir du plaisir. »
J’ai dit : « Là, on va faire des maths sans crayon, sans papier. Êtes-vous prêts? » Déjà, j’ai eu l’attention. J’ai sorti des réglettes, j’ai dit : « Êtes-vous capable de me faire des visages? Êtes-vous capable de me créer des faces pour que vous ayez du plaisir? Là, ils ont dit : « Hein? » Ils me regardaient vraiment. Ça, c’est des maths. Après, on calculait la valeur des visages qu’ils avaient faits. Il y avait deux enfants qui ne voulaient pas participer, qui ont fini par s’impliquer. À la fin, les élèves comptaient, avaient du plaisir. Quand je suis partie : « Quand est-ce que tu reviens faire des mathématiques avec nous? »
Il y a une façon qu’on peut enseigner les maths qui est plaisante parce qu’il y a beaucoup de mathématiques derrière ça. Quand on pense à beaucoup de jeux, c’est ça que c’est, c’est un défi. Il faut trouver des énigmes, il faut trouver une solution. C’est ça que c’est, les mathématiques, dans le fond. Il y a une façon de rendre ça plaisant. L’approche, comment on l’aborde? Rendre des défis à la portée des gens parce que si je te mets un défi que tu ne pourras pas résoudre, c’est sûr, personne n’aime être mis en situation d’échec en partant.
Louis : Oui. Ça veut dire que mon prof de mon cours de relations-fonctions en 13ᵉ année parce que je suis vieux, et que j’ai arrêté le cours au mois de novembre, c’est qu’il n’avait pas compris ça, si je comprends bien?
Nathalie : Je ne pense pas. Je pense qu’il n’a pas dû aussi montrer à quoi ça pourrait être utile, puis pourquoi tu apprends ça. Ça aussi, des fois, c’est important. C’est sûr que dans n’importe quoi, on apprend des choses qu’on ne voit pas vraiment pourquoi on apprend ça. Il y a une utilité de ce qu’il y a dans les programmes et dans l’évolution des maths. C’est sûr que tout ne peut pas être plaisant, mais en général, on peut quand même essayer de rendre ça amusant.
Louis : Oui. Quand on regarde, je suis certain que tu as déjà vu ça, il y a certaines personnes qui ont peur des mathématiques. Ce n’est pas juste qu’elles n’aiment pas ça. C’est une peur viscérale : aussitôt qu’il y a un chiffre ou un nombre, il y a un blocage.
Nathalie : Parce qu’en maths, on a l’impression qu’il faut être rapide. Il y en a qui n’ont pas toujours cette rapidité-là, ce qui fait qu’ils ont peur. On a des méconceptions. Si je demande à quelqu’un : « Pourquoi tu as peur? Qu’est-ce qui fait que tu n’aimes pas les maths? » « Je n’ai jamais été vite et bon à faire ça. Je n’avais pas toujours la bonne réponse. » Tout dépend sur quoi on met l’emphase. Des fois, on peut générer des traumatismes qui restent longtemps.
Les mathématiques, parce que c’est un langage abstrait, il y en a qui ont peur. Souvent, c’est parce qu’on a enseigné d’une façon qui était tellement symbolique et abstraite qu’on n’a pas été chercher la compréhension en profondeur des concepts, ce qui fait qu’à un moment donné tu es totalement perdue, puis tu ne peux plus suivre. Là, tu vis des échecs, et ça devient une montagne, et tellement difficile que tu décroches et tout ça.
Il faut être conscient. Par exemple, quand je travaillais avec des enseignants– parce qu’il y en a beaucoup. Je trouve qu’il y en a plus à l’élémentaire, dans un sens, qu’au secondaire. Ceux qui enseignent les maths, d’habitude, ils ont fait– Ils sont un spécialiste en maths, ils ont fait un bac en maths, ils ont étudié. Eux, c’était un choix. Ils ont poursuivi, donc probablement qu’ils aiment les maths.
À l’élémentaire, souvent, il y en a qui vont choisir le niveau d’enseignement ou les qualifications en fonction de : « Moi, je vais enseigner au cycle primaire parce que je ne veux pas enseigner les maths du cycle moyen ou du cycle intermédiaire parce que c’est plus difficile pour moi. » Il faut quand même que ces gens-là, puis la majorité le sont, soient conscients qu’on projette ce qu’on ressent. On le projette, même si l’on ne veut pas. C’est pour ça que–
Louis : Ça se peut– Non, excuse, vas-y.
Nathalie : Non. C’est pour ça qu’il faut être conscient. Même si l’on n’aime pas les maths, comme enseignant, il faut– Il y a des gens qui ne développeront jamais un amour des maths, puis c’est correct. Il y a des gens qui n’aimeront jamais lire. Ça ne veut pas dire qu’on ne peut pas être compétent, même si ce n’est pas quelque chose qu’on aime, mais il faut être conscient de ce qu’on ressent ou de nos propres émotions par rapport aux mathématiques parce qu’on peut les transmettre facilement.
Louis : Parce qu’on peut avoir un biais conscient, puis un biais inconscient. C’est ça?
Nathalie : Oui, c’est exactement ça.
Louis : J’entendais que tu disais comprendre le pourquoi ou encore, ce qui est en arrière de la formule ou quelque chose qu’on est en train de faire en mathématiques. Il n’y a pas, des fois, des manques de connaissances? Parce que si tu me demandais, par exemple, Nathalie, de t’expliquer pourquoi la division se fait de telle façon, même avec toutes mes années d’enseignement, honnêtement, je ne le sais pas.
Nathalie : Comme tu le sais, Louis, je travaille avec l’AFEMO, qui est l’Association francophone pour l’enseignement des mathématiques en Ontario. Derrière ce que je fais à l’AFEMO, c’est de justement promouvoir le développement professionnel. À l’intérieur des conseils, il y a des systèmes pour qu’on appuie les enseignants à cheminer professionnellement, puis pour qu’on les forme parce qu’il y a beaucoup de choses.
Je vais prendre l’exemple, je parlais des enseignants du secondaire. Il y en a qui sont extraordinaires avec les mathématiques à leur niveau. Je dis : « Viens, on va aller enseigner les mathématiques en première année. » C’est une chose de– : « C’est des maths faciles, Nathalie. » Oui, c’est des maths faciles, mais pour bien les enseigner, il faut comprendre ce qu’il y a en arrière, comment ça se développe, comment on y arrive, qu’est-ce qui va bloquer pour un enfant.
Il y a les connaissances des mathématiques elles-mêmes, de se sentir à l’aise, mais de comprendre aussi tous les concepts inhérents et sous-jacents en arrière de ce qu’on essaye de développer. Ça, c’est toutes des choses qui sont importantes. Ce n’est pas parce qu’on fait un bac en enseignement qu’on arrive et qu’on est habileté à connaître tout ça. C’est quelque chose qui se développe tout le long de notre carrière. Comme je considère que j’apprends encore à– Comment on enseigne les maths? Qu’est-ce qui marche? Comment appuyer un élève qui est bloqué avec quelque chose? C’est long apprendre et développer tout ça.
Louis : Excuse, je voulais juste dire, ce n’est pas parce que j’ai développé une certaine compétence aujourd’hui, que je l’ai appliquée dans ma classe, puis que ça fonctionne très bien. Peut-être que, dans trois ans, nouveau groupe, nouveau contexte, ça ne fonctionnera plus aussi bien. Il va falloir que je m’adapte. Quand tu parles d’apprentissage, c’est aussi en fonction de ça?
Nathalie : Oui. C’est définitivement en fonction de ça. Tu vois, les gens qui ont eu des mauvaises expériences en mathématiques, qui aiment moins les maths ou qui ont trébuché en maths dans leur parcours, sont souvent des meilleurs enseignants des maths que moi, je l’étais, quand j’ai commencé. Moi, les maths, c’était facile. Je me souviens d’être arrivée en 3ᵉ année avec– J’avais une jeune fille qui avait de la difficulté, puis je me disais : « Comment je vais lui redire? », puis j’avais quelqu’un qui me disait : « Ce n’est pas parce que je lui redis la même affaire, puis je le dis un petit peu plus fort, qu’elle va–
Louis : De la même façon. C’est ça?
Nathalie : –comprendre quelque chose. » Je me souviens que quelqu’un m’avait dit : « Nathalie, c’est parce que c’est tellement évident pour toi, tu ne vois pas ce que les gens ne comprennent pas. » Je te le dirais que, quand je dis : « J’apprends encore à ce jour à enseigner les maths et à comprendre tout ce qu’il y a en arrière. », c’est vrai. Souvent, je dis à des enseignants qui ont trébuché : « Tu vas devenir un excellent enseignant parce que, toi, tu sais comment on se sent quand on trébuche. » Tu as probablement des choses– Il y en a qui me disent : « Si j’avais fait ça de telle façon quand j’étais élève, j’aurais compris, Nathalie. » Ils sont beaucoup plus à l’affût et aux aguets de s’assurer.
Il y en a qui partagent à leurs élèves : « Moi, j’avais de la difficulté en maths quand j’étais jeune, mais je vais vous aider parce que je veux que vous soyez bons. Je sais qu’on peut réussir. Là, je suis meilleur. » Souvent, ça fait des enseignants extraordinaires, puis qui apprennent et apprécient les mathématiques. J’ai toujours trouvé ça intéressant.
Souvent, certaines personnes comme moi, pour qui les mathématiques, c’était quelque chose d’évident, puis qui aimaient, c’est sûr que, moi, je transmets facilement la passion des maths passionnément. Je m’allume quand je fais des mathématiques. Quand même, c’est un défi de toute une carrière. Comme tu dis, c’est différent selon chaque élève qu’on a, chaque groupe qu’on a.
On comprend mieux. Maintenant, on a plus de données, on utilise plus de données qu’avant pour comprendre les élèves, les programmes. On comprend mieux les continuums des apprentissages. Il y a eu plus de recherches là-dessus en mathématiques pour être capable de cibler des marches que les enfants ont manquées dans leur cheminement, pour les combler.
Ça, d’ailleurs, c’est quelque chose que je trouve en Ontario, avec le curriculum de maths qu’on a, qui est fait sous forme de continuum. Quand je suis allée à des conférences aux États-Unis, certains conférenciers le prenaient comme exemple parce qu’on a intégré les habiletés socioémotionnelles, mais ce n’est pas partout comme ça au Canada et dans le monde. Je considère que le curriculum qu’on a aide énormément les enseignants, si l’on comprend bien comment il est conçu, à analyser, puis à appuyer les enfants.
Louis : Justement, j’imagine que ça t’est arrivé souvent, quand tu es en présence d’une personne nouvelle qui débute, quels sont les conseils que tu donnes à cette personne-là par rapport à l’enseignement des maths? Parce qu’on l’a vécu. Quand on débute dans la carrière, on a comme 12 milliards de choses à intégrer. Entre autres, je dois enseigner les mathématiques et, comme tu l’as très bien exprimé, ce n’est peut-être pas une de mes passions. Quels sont justement ces conseils-là que tu donnes à cette personne? Je devrais commencer par quoi, finalement, comme prof?
Nathalie : C’est sûr qu’il faut commencer avec des ressources qui sont fiables, puis bonnes. Parce que, quand on débute, avec tout le temps qu’on a, il y a des ressources qui ont été approuvées qui sont en lien avec les curriculums. Pour moi, on part de là. C’est d’être conscient– Avec les mathématiques et tout ça, je dis toujours aux enseignants : « C’est en faisant des maths qu’on devient bon en maths. Les problèmes ou les exercices qu’on fait faire à nos élèves, il faut en faire nous-même. »
Quand je donne une résolution de problème, même si c’est en première année, je la fais. Je peux anticiper les difficultés de mes élèves. Ça, c’est vrai à n’importe quel niveau. De ne pas juste regarder les ressources ou les guides et les problèmes ou tout ça, puis de dire : « Okay, je choisis ça. C’est ça que je donne. » Il faut prendre le temps d’en faire nous-mêmes, puis de voir : « Qu’est-ce qu’ils pourraient faire? Qu’est-ce qu’ils pourraient réfléchir? Quelles difficultés ils pourraient avoir avec ça? »
Louis : Ce n’est pas juste faire le calcul, mais c’est d’anticiper, de dire : « Pourquoi je choisis tel problème? Quelles difficultés que mes élèves pourraient rencontrer? Est-ce trop facile? Est-ce trop difficile? Ça s’intègre dans mon continuum quelque part, donc pourquoi je le choisis aujourd’hui, puis non pas dans trois semaines? » C’est toute la réflexion par rapport à l’utilisation de ce problème-là particulier?
Nathalie : Oui. Ça va permettre de planifier un questionnement qui est bien réfléchi et ciblé en fonction des défis que j’anticipe chez mes élèves. Ça, c’est une chose. L’autre, et là, tout dépend de l’âge des gens, mais Louis, si je te demandais : « As-tu beaucoup manipulé en mathématiques du matériel de manipulation? »
Louis : Rapidement, non, vraiment pas, mais je dois te dire que j’avais un papa qui, quand on était en auto, favorisait énormément le calcul mental constamment. On est quatre enfants chez nous et c’était les quatre sur la banquette arrière, puis : « Okay– » Là, c’était la vitesse, puis– Tout le temps. Non, pas de manipulation, mais beaucoup de jeux de cerveau en mathématiques dans l’auto.
Nathalie : Ça, c’est bon parce que, dans le fond, c’est le jeu puis la répétition qui fait qu’à un moment donné ça reste dans le cerveau. C’est bien que ton papa ait fait ça avec toi.
Louis : Je veux juste terminer. En même temps, ce qu’il faisait aussi, c’est qu’il nous donnait ses trucs pour calculer; par exemple, 8 + 7. Il dit : « 8 + 7, si tu prends 2 de 7, puis tu mets ça à 8, ça donne 10. Là, tu as 7, tu as enlevé 2, c’est 5, donc 8 + 7, c’est comme 10 + 5. C’est plus facile à additionner que 8 + 7. Constamment comme ça en train– Je ne le savais pas, mais ses stratégies, ça, c’est un petit chiffre, mais tu pouvais faire la même chose avec les grands chiffres, les grands nombres.
Nathalie : Ça, c’est bon. C’est pour ça que le mot « truc », souvent, c’est ça que c’est : c’est des stratégies qui peuvent être vraiment chouettes. Pour moi, pour que les enfants comprennent bien les mathématiques, les élèves, il faut– On est dans une ère où tout ce qui est visuel avec les jeux vidéo, les télés, les tablettes– On est une société où le visuel est très important. Les maths, si on les rend visuelles avec le matériel de manipulation et concrètes, la compréhension est améliorée. Ça, c’est certain. Il faut que tu utilises du matériel de manipulation, peu importe les niveaux, chaque fois qu’un concept est nouveau, et il y a des concepts nouveaux, peu importe l’année où l’on est.
La différence dans le temps, c’est que, si je fais un concept nouveau avec des élèves de 9 ᵉ année, je vais passer probablement moins de temps sur le matériel de manipulation que je le ferais si j’étais en 2ᵉ année. Il reste que le matériel de manipulation est important, tout dépend où les gens ont passé, dans quel pays ils ont étudié, dans quelle, et là, je vais parler du Canada, province. Tout dépend de leur âge parce qu’il y en a qui débutent en éducation, puis ils ont eu des cheminements. On change de carrière aussi maintenant. Ce n’est pas tous des gens de 20 ans.
Malgré ça, tout dépend d’où ils ont passé. Il y en a qui n’ont aucune idée : « Tu veux que j’utilise du matériel de manipulation, mais je n’ai aucune idée comment l’utiliser. » Ça, pour moi, c’est une chose, tu dois t’approprier. Dans les écoles où je travaille, avec même mes collègues ailleurs en province, quand je parle comment on est bien équipés, je crois, avec du matériel de base dans beaucoup d’écoles, ça, pour moi, c’est quelque chose : quand tu débutes, si tu ne sais pas comment un matériel de manipulation s’utilise, pose des questions, va voir des collègues, va voir les ressources que tu as. Ça, c’est important de le faire, de comprendre comment j’utilise le matériel.
Dernièrement, j’étais dans une classe, j’ai montré à un enseignant– J’ai grandi et étudié au Québec. C’est drôle parce que, dans la salle, il y avait aussi quelqu’un du Québec. J’ai sorti des réglettes CuisenaireMC. Nous, les réglettes CuisenaireMC, s’il y a un matériel de manipulation que j’ai utilisé, c’était celui-là. Quand je suis arrivée en enseignement à l’Université Laval, pour le cours de l’enseignement didactique des maths, ils nous faisaient acheter notre propre boîte de réglettes.
Nous, on a passé par là, mais j’arrive dans d’autres endroits avec : « Qui connaît ça? » Je montrais le sac de réglettes : « Je n’ai jamais vu ça. » Je dis : « Okay, on va se l’approprier. » C’est ça, c’est quelque chose qui est important. Dans le fond, quand tu débutes, c’est : « Tu n’as aucune idée? Ce n’est pas grave. Pose des questions parce que ça, c’est important. Ça permet de rendre les maths visuelles, ça aide. »
[musique]
Louis : Pour entendre la suite de ce balado ou encore pour accéder aux autres balados de la série, visitez le site Internet du Centre franco et consultez l’onglet des formations offertes sous les Instituts 24/24. Il est aussi possible de retrouver le tout sur Spotify. Pour communiquer avec nous, veuillez utiliser l’adresse courriel suivante : info@lecentrefranco.ca.
[musique]
2e partie du balado
Nathalie Giroux : Dans le fond, notre travail, comme je disais, est anticiper, donner des défis à la portée– Ça, c’est l’art, l’ultime art d’un enseignant, d’être capable de savoir quel défi va stimuler Louis parce qu’il va être capable de vivre un petit succès avec ça.
[musique]
Louis : Bienvenue aux conversations pédagogiques avec des passionnés! Initiée par le Centre franco, cette série de balados nous présente des professionnels qui excellent en éducation. Aujourd’hui, nous retrouvons Nathalie Giroux pour la suite de notre conversation. Au début de la deuxième partie de ce balado, Nathalie nous parle de l’enseignement des tables de multiplication. Comment favoriser les apprentissages et la compréhension des concepts mathématiques chez les élèves? Quelles sont les stratégies à utiliser en salle de classe pour maximiser ces apprentissages?
Là, ce n’est pas une question piège, mais je te la pose quand même parce que la question, elle est très importante chez nous : pour ou contre apprendre par cœur ses tables de multiplication?
Nathalie : Contre.
Louis : Contre? Explique-moi. [rires]
Nathalie : Le par cœur va venir avec le temps, mais ce qui est important, c’est ce que ton père te faisait faire, que je puisse manipuler les nombres dans ma tête pour être capable de trouver une réponse; par exemple, si je fais 9 x 5, je peux faire 10 x 5 – 5, et ça fonctionne. Quand même, je ne sais pas 9 x 5 par cœur, ça va venir. Vraiment, même à des adultes, aujourd’hui, je leur dis : « On va faire des tables de multiplication. » Puis, je donne des multiplications rapides. Je dis : « Il y a un temps, je sais que tu l’avais appris par cœur quand tu étais en sixième année. T’en souviens-tu maintenant? » « Non. » « Comment t’as fait? » « J’ai dû manipuler pour trouver la réponse. » Il y en a qui sont beaucoup plus fréquentes, comme 6 x 4. En général, la majorité des adultes vont dire 24. Je n’ai rien manipulé, je la savais.
J’aime beaucoup les messages de Mary-Ann Small pour ça. Ce qui fait qu’on apprend nos tables de multiplication, c’est de discuter des stratégies, mais c’est qu’on fait des jeux avec les tables de multiplication, et ça, c’est le fun. Si l’on a du fun à faire quelque chose, on va vouloir le répéter. Si c’est plate et je m’assois et je me sens stressé, ça ne marche pas.
Louis : Ou encore, quand j’étais petit, où je suis humilié parce qu’on nous mettait debout, puis là, c’était le combat, deux équipes, et si tu ne l’avais pas, tu allais t’asseoir. Si tu es pourri, tu vas toujours t’asseoir le premier. Ça, ça ne développe pas vraiment l’amour des mathématiques. Comme tu dis, jouer, c’est d’avoir du plaisir, dans ce cas-là. En même temps, qu’est-ce qu’on fait avec un parent qui arrive et qui dit qu’il ne comprend pas trop les stratégies parce que lui ou elle n’a pas appris les mathématiques comme on les enseigne. Il dit : « Non, Madame, là, il faudrait être sérieux dans l’enseignement des mathématiques parce que ce n’est pas juste des jeux, les mathématiques. » Qu’est-ce qu’on leur dit?
Nathalie : C’est sûr que ça, c’est des– On dévie la question, on ne répond pas direct parce que la confrontation ne mène pas à grand-chose. Je dirais : « Je suis tellement contente que vous voulez que votre enfant sache et puisse faire des multiplications rapidement, c’est mon but aussi. Savez-vous quoi? Pour faire ça, parce que vous ne voulez pas vous chicaner avec votre enfant à la maison pour lui faire apprendre ses tables par cœur, n’est-ce pas? J’ai des jeux à vous proposer pour faire pratiquer les tables parce qu’on veut ultimement. » Là, je proposerais des jeux.
Ultimement, ce qu’on veut, que les élèves aient, par exemple, c’est une certaine fluidité, mais il faut comprendre que cette fluidité-là, c’est ça qu’on veut dire par le par cœur parce qu’ultimement le par cœur va finir par arriver. Cette fluidité-là va finir par arriver si je fais ça régulièrement, donc court et fréquent. Je fais des jeux régulièrement et je fais ça fréquemment.
Louis : Quand tu dis fluidité, ça veut dire qu’une certaine vitesse pour arriver à la réponse, c’est ça?
Nathalie : Oui, parce que ce qui arrive avec les multiplications, par exemple, c’est quand on va arriver au secondaire ou à des mathématiques plus complexes, j’ai besoin de libérer mon cerveau du traitement des données de la multiplication pour pouvoir être capable de faire quelque chose de plus complexe. Pareil que quand je travaille la lecture avec les petits, je veux qu’à un moment donné le décodage soit assez fluide, qu’il ne passe pas toute sa mémoire de travail à décoder parce que je veux qu’il comprenne le sens profond. Là, le cerveau, il y a juste une des charges de travail qu’il peut gérer, n’est-ce pas?
C’est pareil avec les multiplications, ce qui fait qu’on veut générer une certaine fluidité, mais ça va venir avec : je discute des stratégies, je les pratique fréquemment, je fais des jeux régulièrement. Je ne fais pas ça juste parce que j’ai planifié ça dans ma planif à long terme en janvier puis février. Si j’envoie ça à la maison en janvier-février, comme au cycle moyen, les tables de multiplication, ça devrait être toute l’année, régulièrement. J’inclus des jeux, j’envoie des jeux à la maison, je fais certaines activités que les jeunes aiment refaire, et c’est plaisant. Là, ça va venir, ça va décoller. Court, fréquent, toute l’année. C’est la beauté.
Il y a le mot populaire ou qu’on entend la spirale en mathématiques, où on revient fréquemment sur quelque chose dans différents contextes, et ça va venir comme ça va venir. Ce que tu donnais comme exemple, que toi tu as vécu quand tu étais jeune, c’est intéressant de demander aux gens qui n’aiment pas les maths : « Pourquoi tu n’aimes pas les maths? » C’est souvent une raison donnée. « Nathalie, ce n’est pas que je n’aime pas les maths, je ne suis pas bonne en maths ou je n’aime pas. » « Pourquoi? » Quand on faisait des tables de multiplication, je n’étais jamais capable de les dire, j’étais assis en premier. Ça, ça a créé des traumatismes dans ma génération assez intenses.
Louis : Il faut être conscient de l’impact. En même temps, on a tellement de beaux modèles aussi de l’autre côté. Comme tu parlais de ton prof, tantôt, au secondaire, qui arrivait avec les défis tout le temps en mathématiques, puis ça t’a donné la piqûre. Je pense que ça revient au mot être conscient, puis favoriser la passion. Quand tu as du fun, quand tu peux en discuter, quand je sens que je peux aller plus loin, quand je me développe, quand je m’épanouis, finalement, c’est le verbe que je cherchais, ça me donne le goût de continuer. Là, ça m’amène l’autre question : « Dans nos classes, on a tous et toutes des élèves en difficulté que, malgré le fait qu’on a différentes stratégies, ça peut être quand même difficile. Qu’est-ce qu’on fait avec un élève en difficulté en mathématiques dans notre classe de 27 élèves? »
Nathalie : C’est sûr que la collaboration des intervenants dans l’école va aider à appuyer ces enfants-là. Quand on donne des tâches ouvertes ou des tâches, qu’on a différents points d’entrée pour les enfants, où on donne des choix, va faire qu’on peut rejoindre ces élèves-là. Souvent, ces enfants-là ont besoin plus longtemps du matériel de manipulation et, à un certain moment, si on sort juste le matériel de manipulation pour les enfants en difficulté, ils se sentent ciblés, personne n’aime être mis sur le spot. Plus je fais vivre des activités où le matériel de manipulation, c’est toute la classe. Ça, ça va aider. D’habitude, quand on a du plaisir, on peut modifier, puis aller chercher les enfants.
L’erreur qu’on fait, par exemple, des fois, c’est de ne pas s’empêcher de leur donner des défis à leur niveau. Ils sont capables, si on leur donne les outils pour le faire, puis on est là pour appuyer, sont souvent capables et engagés. Des fois, on les soustrait, on leur fait faire la mise en application, b.a-ba que j’appelle, puis on oublie de leur donner des défis fun ou des choses le fun parce que, non, ça, c’est de la [inintelligible 00:09:19]. Il y a des choses qu’on peut faire avec eux qui peuvent être très plaisantes, puis on réduit les nombres—Souvent, en maths, on peut réduire les quantités, mais ils peuvent faire les mêmes genres de défis qu’on a. Il faut aussi qu’ils vivent ça de façon fun. Il faut leur faire vivre des succès pour rentrer dans un– Je sais que ce cercle vicieux, c’est négatif, mais moi, j’appelle ça de bons cercles vicieux. « Ça, c’était le fun. Je vais en refaire. »
Louis : Des parcours, finalement.
Nathalie : Là, ils ont le goût de pratiquer, puis ils ont le goût de le faire, puis là, ils s’améliorent. Ça, c’est chouette. C’est sûr qu’il y a certains enfants que ça va toujours être un défi, mais– Là, je vais te donner un exemple. J’étais dans une salle de classe, une petite, elle, dès que tu dis mathématiques, elle ne voulait pas. J’avais mis du matériel de manipulation pour faire quelque chose, et on faisait une tâche, puis j’avais gardé un sac de matériel de manipulation pour elle. Cette élève-là avait une aide-enseignante à cause de son diagnostic.
J’avais dit à l’aide-enseignante : « Ça, c’est pour elle. » J’avais dit : « Ça, c’est pour toi. » « Je ne veux pas. » « Okay, pas de problème. » Je l’ai mis là. Là, les élèves étaient tous en équipe de deux, de trois ou de quatre, tout dépend de comment ils étaient dans la salle de classe. Tout à coup, les élèves se sont mis à rire, je me promenais, ils manipulaient. Là, elle s’est levée, elle a pris le sac. L’aide a dit : « Non, reste là. » Elle dit : « Non, je vais aller travailler. » Elle s’est jointe à une équipe. Elle a fini par imiter un peu. Là, j’ai été la voir, puis j’ai posé certaines questions à son niveau. L’engagement était là. Après, j’étais comme : « Ça, c’est chouette. Peux-tu prendre une photo de ce que tu as fait? » Je prenais des photos.
Quand je suis revenue après : « Quand est-ce que tu viens faire des mathématiques avec moi, Madame? » Comme je dis, c’est sûr, ça ne sera pas tous les jours parce qu’il y a des enfants qui sont plus pénibles. Il faut quand même faire du symbolique et des choses, mais quand on réussit à rendre ça vraiment le fun, un défi, ils réussissent ce qu’on leur donne. Dans le fond de notre travail, quand j’ai anticipé, donner des défis à la portée, et ça, c’est l’ultime art d’un enseignant, d’être capable de savoir quel défi va stimuler Louis parce qu’il va être capable de vivre un petit succès avec ça. Ça, c’est un art et une science en même temps, comme un peu les deux.
Louis : Parce que Louis et Nathalie sont différents.
Nathalie : Oui.
Louis : D’être capable de trouver le défi qui va activer les neurones de Nathalie, ça, c’est une chose, mais ce n’est pas la même chose pour Louis. Ce qui fait que, là, il faut que je pense à un autre. Puis, peut-être que Louis, demain, ça va être différent parce qu’il a vécu d’autres choses. Ce qui m’amène à l’autre question, parce que j’ai des petites questions comme ça que j’ai gardées pour toi, parce que je savais qu’on aurait cette conversation fascinante. Pour ou contre le matériel de manipulation à tous les élèves lors d’un test?
Nathalie : Pour.
Louis : Pour.
Nathalie : Oui parce qu’actuellement le matériel de manipulation, si les élèves l’utilisent pour leur compréhension, devrait être accessible en tout temps aux élèves chaque fois. Puis, là, il faut vraiment se poser la question : « Qu’est-ce que j’évalue? C’est quoi mon critère d’évaluation? » Quand on revient à notre critère, il y a certains critères, je te dirais d’évaluation, que peut-être non, il n’y aurait pas de matériel. Pour la majorité des critères, oui. Le seul temps où je veux vérifier un certain algorithme, là, non, il n’y aurait pas de matériel de manipulation, puis il n’y aurait pas de calculatrice, on s’entend.
Je veux voir s’il est capable de faire un problème, deux étapes dans une résolution de problèmes. Là, qui utilise la calculatrice, qui utilise le matériel de manipulation, qu’est-ce que je veux vérifier? Qui est capable de raisonner, comprendre le problème, puis faire les deux étapes, puis me trouver une réponse? Oui. Tout n’est pas faux, juste que notre but soit clair. Je peux voir comme ce n’est pas grave qu’ils utilisent le matériel de manipulation, c’est juste la stratégie qui leur parle pour eux. Il y a certains buts clairs que ça serait peut-être : « Non, à ce moment-là, je veux voir si tu peux le faire sans ça. », mais pour la majorité, oui. Ce qui arrive avec le matériel de manipulation, c’est plus lent.
C’est comme les enfants qui comptent sur leurs doigts, si tu m’avais dit pour ou contre : pour. Éventuellement, ça va tomber. Plus la compréhension va être là, éventuellement les enfants vont laisser leurs doigts parce qu’ils vont être capables de manipuler sans ça. C’est pareil avec le matériel de manipulation. Si ça l’appuie, mais que ça les rend capables de faire ce qu’on veut, puis qu’ils ont compris. C’est ça qu’on regarde. Ils utilisent la stratégie dont ils ont besoin.
Louis : Là, c’est comme si tu avais lu dans ma pensée parce que, dans le balado, on est arrivés au moment où je te dis un mot et tu me dis 2-3 phrases. Mon premier mot, c’était justement les doigts, mais tu en as déjà parlé. [rires]
Nathalie : Matériel de manipulation le plus accessible.
Louis : C’est super. Prochain mot : les filles en mathématiques.
Nathalie : Le défi des filles, c’est qu’elles ont souvent le souci d’être parfaites, beaucoup plus que certains garçons. En mathématiques, on veut la réponse exacte, n’est-ce pas? Ou c’est la perception qu’on a?
Louis : Oui, perception.
Nathalie : Plus on défait ça, plus les filles vont être embarquées.
Louis : Ton plus grand défi que tu as rencontré comme conseillère pédagogique en mathématiques?
Nathalie : Je ne comprends pas mes élèves, il faut que je les prépare pour l’année prochaine. On fait vivre les mathématiques où les élèves sont. De faire comprendre ça avec un enseignant qui veut que ses élèves réussissent et soient prêts pour quand ils montent l’année d’avant, souvent, on manque des marches. Puis d’amener l’enseignant à voir ça, des fois, c’est un défi.
Louis : Parce que, si je comprends bien, j’ai dans ma tête mon curriculum que je veux, entre guillemets, couvrir parce que, si je couvre mon curriculum, mes élèves vont être prêts pour l’année prochaine. Peut-être que je n’ai pas beaucoup de temps, il faut que je continue. Puis, peut-être que je ne m’adapte pas nécessairement toujours à mon groupe. C’est ça que je dis?
Nathalie : Oui. Aussi de dire : « Là, Nathalie, quand ils vont arriver au secondaire, ils n’auront pas de matériel de manipulation. Comme je ne les aide pas, il faut que je fasse juste du symbolique. Oui, mais s’ils n’ont pas la compréhension profonde des concepts et on ne rend pas ça visuel, tu ne les aides pas. » Ceux qui vont réussir, c’est ceux qui apprennent par cœur, qui ont une bonne mémoire et ils vont– À un moment, le mur se frappe. Ça, c’est le danger en maths : il y a des gens qui ont de bonnes mémoires, apprennent des algorithmes, et tout ça. Il y a des enfants qui ont de bonnes mémoires, mais, s’il n’y a pas de compréhension profonde, la mémoire a ses limites à un temps, et là, on est perdus.
C’est souvent des élèves, qu’à l’élémentaire ça va, arrivent au secondaire en maths, ils sont incapables de comprendre parce qu’on n’a pas travaillé ça, puis on n’a pas fait attention de poser les bonnes questions. Comme la division, tu me parlais : « Explique-moi ton algorithme, comment tu fais ça? Peux-tu me le faire d’une autre façon? » Là, l’enfant : « Non, je ne peux pas », mais on a l’impression qu’il est vraiment bon parce que, là, il a appris la technique, il ne comprend rien. Il a la bonne réponse. On sait ça rapidement en disant : « Explique-moi ce que tu viens de faire. » « Là, ça, je mets cette enveloppe, puis, là, je mets le petit un en haut, puis, là, je– On le voit tout de suite.
Louis : Oui. Dernier mot pour cette question. Si je te dis : direction d’école et mathématiques, tu dis quoi?
Nathalie : Je dis : grand pouvoir de mettre de l’importance et de valoriser ça dans les classes et dans les écoles et avec les parents et la communauté. La direction d’école a beaucoup de pouvoir avec ça et un grand impact. Là, je vais donner un exemple, une direction que j’aime beaucoup. Je suis avec elle, elle dit : « Nathalie, donne-moi deux secondes, j’ai besoin de finir de mettre mon problème sur mon babillard à l’entrée. »
Louis : Une résolution de problème.
Nathalie : Ton problème, c’est ton babillard à l’entrée. Oui, elle dit : « Je mets un problème mathématique que je donne en défi aux élèves et aux parents et à tout le monde toutes les semaines. » Tu rentrais dans l’école, c’était clair qu’il y avait une emphase, et elle en parlait aux annonces. Des fois, les parents : « On a trouvé une réponse hier avec mon enfant. » Pour moi, cette école-là–, et tout le monde savait : « Non, mais, Madame, la direction, elle met des maths partout, elle nous fait des problèmes, on aime ça. » Il y a un grand pouvoir parce que je sais que, là, c’est facile pour moi de dire : « Je suis passionnée et j’aime les maths. » Tout le monde me dit : « Oui, mais tu aimes ça. » Oui, mais j’aimerais qu’on prenne conscience que les maths, c’est ce qui va limiter beaucoup de carrières d’enfants. Ultimement, on veut que les enfants aient accès à ce qu’ils aimeraient faire. Ils ont besoin des maths.
Louis : Sans contrainte.
Nathalie : Sans contrainte. Après, s’ils veulent choisir qu’il y a moins de maths ou que ce ne sont pas des préalables, c’est correct, mais quand ils sont plus jeunes et plus tard, on ne veut pas les limiter. On veut développer ça pour leur donner les– Pas les limiter dans leur choix comme tu as dit parce que les maths [inintelligible 00:20:21]. Dans la société d’aujourd’hui, avec la technologie partout, avec l’importance des mathématiques et des technologies parce qu’ultimement toutes les technologies fonctionnent avec à peu près la même logique : les maths. Derrière les maths, il y a toute cette logique qui est importante à comprendre.
Un enfant de demain va avoir de la misère à évoluer dans un monde où il n’est pas à l’aise en maths. Il faut valoriser ça dans nos écoles absolument. Qu’on aime ou qu’on n’aime pas les maths, pour l’avenir des enfants et pour leur donner l’accès à toutes les opportunités selon leur personnalité, ce qu’ils désirent, c’est important.
Louis : Là, on arrive à la dernière question avant la conclusion parce que le temps file. Tantôt, tu as parlé– Quand on a dit, qu’est-ce qu’on dit à une personne enseignante qui débute? Là, tu as dit, il faut les bonnes ressources. Est-ce que tu pourrais nous– Ça serait quoi une parmi plusieurs? Tu dirais de cette ressource-là, je pense qu’elle est essentielle en mathématiques, il faudrait que tout le monde la connaisse. Ça serait quoi?
Nathalie : J’aime énormément, en ce moment, les curriculums en ligne, mais particulièrement le curriculum de mathématiques. Il y a des appuis pédagogiques qui sont extraordinaires. Il y a des ressources qui ont fait preuve d’évaluation. En Ontario, on a, entre autres, le CLÉ qui fait des évaluations de ressources pédagogiques. Que les ressources aient passé avec certains critères, avec des spécialistes de l’enseignement des maths et qu’ils soient regardés. En ce moment, avec le curriculum de l’Ontario, on a pour les plus jeunes, Mon parcours mathématique, on a Modulo qui ont passé ces évaluations-là.
Il y a aussi toutes les ressources qui sont mises en collaboration avec des organismes comme le CFORP ou le ministère de l’Éducation ou encore, je pense, même, à des organismes comme l’AFEMO ou l’OAME, qui est l’association aussi, mais pour les anglophones. Il y a des ressources qui sont conjointement faites en lien avec nos programmes, comme En avant, les maths! pour le CFORP ou toutes les leçons qui ont été montées, épurées avec des sites comme Ontario Math Support qui a été faite avec l’AFEMO, l’OAME. Pour moi, l’avantage de ces ressources-là, c’est que ce sont des ressources approuvées en Ontario qui ont passé différents niveaux d’évaluation et qui correspondent aux curriculums.
Beaucoup moins de temps d’évaluation. La chose à ne pas faire, c’est Google, une affaire en mathématiques, comme tu tapes quelque chose, une multiplication ou peu importe un concept parce que, pour un enseignant qui n’est pas ferré en maths– Il y en a de bonnes ressources en ligne, mais tu as besoin d’avoir un esprit beaucoup plus critique à les regarder que si tu y vas avec des ressources qui ont déjà passé, des gens qui connaissent les maths épurées.
Louis : Je pourrais faire une super belle conclusion à ce balado, mais je vais te laisser les derniers mots. Nathalie, si tu voulais résumer notre conversation, aujourd’hui, à titre de conclusion, qu’est-ce que tu aurais le goût de dire?
Nathalie : J’aimerais dire que les maths, c’est important et que c’est correct qu’on ne connaisse pas ou qu’on n’aime pas ça. L’idée, c’est de comprendre que c’est important, puis d’aller chercher des gens ou des ressources pour nous appuyer dans l’enseignement des maths parce que, comme enseignant, il faut développer ça pour l’avenir de nos enfants. Chaque parent veut ça. Un enseignant, c’est un parent avec un plus de petits amis. Il faut faire ça, c’est important. Les maths, c’est important, mais ça peut être le fun. Je vais finir de même. Les maths, c’est important, il faut les rendre fun et plaisants, et c’est possible.
Louis : Nathalie, pour cette conversation extraordinaire, je veux te dire un grand merci. Je suis convaincu qu’on aura la chance de continuer cette conversation un jour. À tout le monde qui nous écoute, j’étais en compagnie, aujourd’hui, de Nathalie Giroux, conseillère pédagogique et présidente de l’AFEMO. Merci, Nathalie!
Nathalie : De rien. Merci, Louis!
[musique]
Louis : Merci d’avoir écouté ce balado! Pour avoir accès aux autres balados de la série, visitez le site Internet du Centre franco. Vous pouvez aussi avoir accès aux différents balados sur Spotify. N’oubliez pas enfin qu’il est toujours possible de communiquer avec nous en utilisant l’adresse courriel suivante : info@lecentrefranco.ca.
[musique]